Hold-up est une sorte de collecteur de rancoeurs avec autant de visages que de facettes du ressentiment. Un manifeste lourdingue sans humour aucun. Juste fiel et fiente comme assaisonnements. Un montage du dernier homme dans ses avatars qui vont du physicien sur la touche à Mamadou, un chauffeur de taxi, sans doute parisien. Pas besoin d’aller bien loin pour savoir à quoi s’en tenir. La première image restitue parfaitement cette esthétique de chaîne de désinformation continue, elle restitue la pensée de notre temps pour laquelle ce qui n’est pas filmé n’existe pas. La figure donnée au SARS-cov2 n’est pas une simple animation, elle est le personnage nécessaire aux idolâtres de tous bords. Il faut qu’ils voient parce qu’ils ne veulent pas penser parce que penser est trop difficile pour ne pas dire déprimant puisqu’on s’y retrouve en bonne compagnie. C’est à dire sans nos contemporains. Comme le disait Nietzsche et déjà Machiavel, que les vivants me pardonnent… Comme le disait Pascal, Dieu s’est voulu caché. Cela donne une direction. Hold-up en prend une autre. Elle est familière à la France et aux français. C’est celle du bistrot et de la chambrée. D’ailleurs, on reconnaît parfaitement la voix de l’adjudant, celui qui crie, « tous des Jean-Foutre ! », je ne me rappelle ni son nom, ni son titre ma me ne frego.
J’ai tenu une demi-heure devant le samizdat cher à Slobodan Despot qui confond la science et le diamat, les instituts psychiatriques de feu le KGB et un hébergement chez Odyssée. Le samizdat en question se donne comme la voix de la majorité, c’est l’équivalent de l’opération gilets jaunes : mélange de vantardises, de fanfares chimériques et d’odyssée du néant avec quelques visages de pixels qui voudraient bien la place des califes. Trump leur a ouvert la voie, ils jappent donc.
Passons aux personnages de l’intrigue.
Il y a le physicien qui a déjà choisi. Entre les vieux et les jeunes, il est normal de sacrifier les premiers, c’est le cycle, c’est le dharma, mec. Comme personne ne demande de sacrifier qui que ce soit, la véritable pensée du bonhomme est simple : un vieux sans qualité, soit sans argent, est un vieux sans utilité, un vieux qui mérite de mourir puisqu’il ne mérite pas qu’on le sauve. Le physicien devrait être rassuré, la Belgique, l’Espagne, le Québec, les Etats-Unis, la France, la Suède, le Royaume-Uni, pour ce que j’en sais ont largement appliqué le programme. Visiblement, il est soutenu par une majorité. C’est ça la démocratie.
Il y a Mamadou et sa parabole. « Je perds le contrôle du véhicule, devant moi un groupe de 25 personnes, sur le bas-côté une seule » et ben Mamadou lui choisit de foncer sur le « une seule » alors que le gouvernement, lui, fonce sur les 25, ça s’appelle le confinement. Résumons ce petit traité d’albophobie ordinaire mis en musique par les monteurs de Hold-up. Le « une seule » ce sont les vieux ; tous blancs ; tous à jeter à la benne. Le 25 c’est les français de maintenant, les français en rayures, black-blanc-beur comme disait Pasqua. Evidemment si les vieux en question avaient été noirs comme au bled, il n’est pas sûr que Mamadou aurait utilisé la même parabole. Mais l’albophobie ordinaire, dans ce pays, est invisible mais très audible.
Il y a Rachid, autre taxi. Rachid n’est pas albophobe ou en tout cas comme il s’adresse à un toubab, il lui vante les technologies françaises et leur oppose les blouses et les Charlottes en sacs poubelle. Son jeu de mains appuie son interjection, « on est où, là ? au Sri Lanka ? ». Zemmour avait choisi le Togo mais Rachid est un afro-maghrébin, le continent est sacré. Alors comme on lui a dit que les chinois étaient puissants, que les pakistanais ont des hâchoirs, il se rabat sur les indo-européens qui restent, le Sri Lanka, Ceylan qu’il serait bien incapable de situer sur une carte et encore moins d’apprécier pour ce qu’elle est, l’extrême d’une même civilisation qui gît dans ce que Dumézil appelait l’idéologie des trois fonctions.
Il y a aussi cette autre scientifique qui mesure les communiqués de l’OMS à leur volume. De 2 à 16 pages, « de qui se moque t-on ? » qu’elle dit, la bouche tordue. Peut-être ne connaît-elle pas cette loi de toutes les bureaucraties selon laquelle la vacuité administrative se traduit en une civilisation du rapport illimité, empilé, débité et classé. Plutôt elle la connaît trop bien, chacun de ces gestes et chacune de ces mimiques le laisse entrevoir.
Je passe sur la montre de graphiques où le pic de mortalité, dû sans doute à une épidémie de rhinopharyngites, est attribué au premier confinement, où le nombre total de morts des cancers en France dépasse celui de l’ensemble des décès enregistrés, où le virus est présenté, comme Ebola ou le sida on imagine, comme l’ami de l’homme, au prétexte qu’une partie de notre génome comme celui de quantités de mammifères en est issu, où des clichés évoquent une brusque frénésie de dermatoses faciales, où un anthropologue regrette ce bon vieux temps de la politique véridique, Mitterrand ou Giscard sans doute, où un ancien directeur de Pfizer se dit honnête et crédule, ce qui ne va pas bien ensemble, où les jeux de mots subtils pleuvent « l’OMS c’est pas l’organisation mondiale de la maladie, hein ! », où les témoins de rue côtoient les diafoirus, tous euro-américains, tous au diapason de ce récit selon lequel une maladie qui n’en est pas une serait le support d’un asservissement sans précédent que seul un groupe héroïque de réfractaires, parfois gaulois mais pas toujours, aurait eu la clairvoyance de découvrir.
Si on est charitable, on y verra une sorte de gnose en kit. Ça me rappelle juste la série V.
Il est bien évident que ce genre de samizdat pour reprendre les bonnes nouvelles de Slobodan Despot empêche de se poser les questions réelles à propos de cette épidémie. On peut en lister quelques unes :
– Si presque dix mois d’études n’ont pu établir la généalogie animale du virus (chauve-souris, pangolin), il est bien évident qu’une origine laborantine de celui-ci ne sera jamais prouvée pour la simple raison que les outils de manipulation génétique en cours ne laissent aucune trace. Ce que semble donc réfuter ces études c’est l’hypothèse d’une zoonose dite « naturelle ».
– Si comme l’affirme une étude italienne, le Sars-cov 2 circulait dès l’été 2019 dans la péninsule et non pas en 2018, d’où vient réellement le virus ? Cela n’infirme en aucun cas, l’origine chinoise de celui-ci puisque la Chine populaire a systématiquement détruit tous les indices présents à Wuhan qui permettaient de progresser vers l’origine du covid 19. Néanmoins, la seule piste chinoise me paraît limitée parce que les laboratoires chinois, P4 ou non, ne travaillent jamais seuls et que la frontière entre recherche scientifique et applications militaires n’existe pas.
– Pourquoi le nom de ce virus ou son genre grammatical n’a cessé de varier en dix mois : Corona, le covid 19, la covid 19, le Sars cov 2. L’administration Trump ayant tenté une autre étiquette : le virus chinois qui voulait dire deux choses : le virus qui vient de Chine et le virus fabriqué en Chine. Les autres noms indiquent l’existence d’une famille de virus déjà présents parmi les hommes voire l’année d’apparition de celui-ci ou le classement. Cette indétermination nominale est donc le signe du caractère inédit de la pandémie en cours.
– Pourquoi et comment ce virus, contrairement à la grippe convient parfaitement non pas à la destruction des pauvres, sinon l’Afrique sub-saharienne serait ravagée, mais à celle, presque exclusive, des personnes âgées ? Et consécution inévitable, pourquoi et comment, contrairement aux gouvernements du Japon, de la Corée du Sud, de Taïwan voire du Vietnam (je laisse volontairement de côté la Chine dite populaire), les gouvernements euro-américains ont-ils choisi de laisser mourir ces mêmes vieux. Je ne crois pas avoir jamais rencontré dans mes lectures historiques ce mélange, en temps de paix, de cynisme au petit pied, d’inhumanité admise, de sadisme tranquille qui consiste à confronter « nos anciens » comme dit le mari de Brigitte, à la mort, à la peur, au désespoir, à la folie hallucinée.
– Nous découvrons des éléments du virus qui ne semblent pas négligeables mais sont forcément mis de côté par les concepteurs des vaccins à ARN : une nouvelle portée d’entrée du virus, la neuropiline qui s’ajoute au récepteur ACE2 ; la découverte d’un gène chevauchant dont on ne sait pas quand il est activé ni quelle protéine il code (seul ou en collaboration). J’en reste aux hypothèses de base qui ne sont pas celles d’un chercheur comme Kupiec pour lequel le gène est un concept inutile voire inexistant.
– Sur la base des hypothèses admises, Pfizer, Moderna ou Astrazeneca ont choisi de tester un type de médicament inédit basé sur un ARN messager dont on ne connaît aucun des effets sur le mécanisme gène-codage-protéine dans les cellules humaines. Il est impossible de ne pas observer la corrélation entre cette expérience massive mais qui n’est pas annoncée comme telle et la baisse radicale d’efficacité des anti-biotiques, baisse qui prouve non pas le cupidité des big-pharma mais l’épuisement du projet moderne. En outre, une nouvelle fois, l’impératif humanitaire ou plutôt la morale conséquentialiste, ce que les médecins de masse nomment le rapport coût-bénéfice, transforme les patients covid en cobayes volontaires ou contraints (ce sera le deuxième temps).
– La modernité voulait éradiquer la maladie, la pauvreté, la souffrance. Les trois sont toujours aux avant-postes et attendent le quatrième larron : la guerre. Les quatre cavaliers n’ont plus qu’à rassembler les centaures.
– La modernité prétendait triompher de l’ignorance et elle aboutit, après plus d’un siècle de scolarisation, à la période la plus massivement idolâtre jamais enregistrée. Il s’en suit que les savoirs, leurs créations, leur diffusion, leur réception ne sont pas l’affaire de tous mais juste de ceux qui font l’effort de s’y consacrer. Ce sont nos brahmanes par opposition aux gardiens, aux gens de métier et aux serviteurs.
– La modernité prétendait se fonder et fonder une démocratie rénovée et de masse guidée par des élites éclairées. Les élites ne sont pas plus éclairées que la noblesse française du XVIIIème siècle et les masses se choisissent des idoles dont la vulgarité, la bêtise, l’indécence et la cruauté sont le verre grossissant du mariage de la connerie et du crétinisme dont Internet et les réseaux sociaux ne sont que la caisse de résonance et aucun cas, la cause. Il devrait s’en suivre que la démocratie est un mirage mais un mirage dangereux toujours cousin de la tyrannie. Platon le savait déjà, nous continuons à l’ignorer.
Comme disait l’autre, on avance.
Naufragés